Klingenthal a une histoire très particulière et unique en Alsace. Il doit son existence à la création, en 1730, de la 1ère Manufacture d’Armes Blanches de France à la demande du roi Louis XV.
La naissance de la Manufacture
C’est Henri Anthès, spécialiste incontesté en métallurgie, qui est chargé de trouver un site en Alsace: son choix se porte sur la vallée de l’Ehn en amont d’Obernai. Pour réaliser ce projet, il a fallu non seulement construire des martinets, des forges et des aiguiseries sur les deux rives de l’Ehn, aménager le réseau hydraulique, mais aussi trouver les ouvriers compétents. Les dix spécialistes qui vont fonder la Manufacture et transmettre leur savoir-faire sont débauchés à Solingen (Allemagne). Le 15 juillet 1730, Louis XV signe les Lettres Patentes pour la création de la Manufacture Royale d’Armes Blanches d’Alsace. Celle-ci prospère très rapidement et dès 1731, elle emploie 25 ouvriers tous originaires de Solingen : ce sont eux qui donnent le nom de Klingenthal, Vallée des Lames, au village-manufacture se constituant petit à petit.
L’essor de la Manufacture
Le Klingenthal ne cesse de prospérer et d’attirer un grand nombre d’ouvriers originaires d’Allemagne mais aussi des villages environnants. Les effectifs progressent régulièrement, atteignant les 208 à la veille de la Révolution et le nombre record de 679 en 1816. L’Empire marque incontestablement l’apogée de la Manufacture qui produit à cette époque ses plus belles armes blanches.
La fermeture de la Manufacture d’Etat
Après la chute de l’Empire en 1815, le déclin s’amorce: les guerres napoléoniennes, grandes consommatrices d’armes, sont bien terminées. De plus la création de la Manufacture de Châtellerault en 1819 va concurrencer sérieusement celle du Klingenthal. La décision de fermeture est prise en 1830 et devient effective en 1836. Des dizaines d’ouvriers alsaciens partent pour Châtellerault avec leurs familles. La misère et le chômage sévissent au Klingenthal, la période de gloire et de prospérité est bien révolue.
La période Coulaux
En 1838, Julien Coulaux, entrepreneur de la Manufacture depuis 1801 avec son frère Jacques, rachète aux enchères les bâtiments et ateliers de la Manufacture qui devient dès lors une entreprise privée. La fabrication d’armes blanches continuera certes jusqu’en 1925 mais Charles Louis Coulaux, le fils de Julien, introduit la production de faux et faucilles à partir de 1840. Pour démarrer cette nouvelle activité, il fait venir de Remscheid, près de Solingen, des spécialistes dans l’art de forger des faux. Plus tard, à partir de 1871 des ouvriers du Tyrol viendront renforcer les effectifs. Le Klingenthal connaît ainsi une nouvelle période de prospérité. A partir de 1930, le progrès industriel provoque la fermeture des ateliers devenus vétustes, les uns après les autres, jusqu’au dernier en 1962. Les martinets se sont alors définitivement tus dans la Vallée des Lames après 232 années d’intense activité.
Klingenthal aujourd’hui
La situation administrative du village est complexe car il ne constitue pas une commune autonome. La rivière Ehn sépare Klingenthal en deux parties, la rive droite est annexe d’Ottrott tandis que la rive gauche est annexe de Boersch. C’est sans aucun doute une des raisons de la création de l’Âme de la Vallée. Par ses activités conviviales et ses actions de solidarité, l’association rassemble l’ensemble des villageois par-delà les limites communales. En souvenir d’ouvriers qui autrefois, par leur dur travail dans les ateliers, forgeaient une âme à la vallée des lames…
Elisabeth Gressier
Membre fondatrice de l’Association pour la Sauvegarde du Klingenthal, de la Maison de la Manufacture et de l’Âme de la Vallée, elle s’intéresse tout particulièrement à l’histoire du village et à la généalogie des familles d’ouvriers qui ont travaillé sur le site.